Derrière le titre de doyen, il y a aussi une personnalité curieuse, passionnée et pleine d’humour ! Pour en savoir un peu plus sur Pedro Valinho Gomes, nous lui avons proposé un “portrait chinois” : une manière ludique de découvrir qui se cache derrière la fonction.
Si vous étiez un livre ?
Mes enfants me demandent souvent quels sont mes « favoris » (un livre, un film, une chanson…). Je leur réponds généralement que choisir un seul, c’est se priver de tant d’autres. Je me trouve trop complexe pour me résumer à un seul livre. Il y a peut-être une petite bibliothèque qui m’aide à me définir : un livre du poète Daniel Faria, par exemple son Des hommes qui sont comme des lieux mal situés, qui semble être une fenêtre ouverte sur le cœur de l’humanité ; peut-être Les frères Karamazov, de Fiodor Dostoïevski, et son récit mouvementé sur le sens de la vie ; certainement Essai sur la cécité, de José Saramago, et sa critique ingénieuse de notre processus de déshumanisation ; le livre du prophète Jérémie est un texte précieux sur la complexité d’une vie engagée avec et pour la vie des autres. Mais tant d’autres pourraient y figurer, de la philosophie de Paul Ricoeur à la théologie de Karl Barth
Si vous étiez un film ?
Je ne sais pas si c’est le film qui me représente, mais Le cercle des poètes disparus, de Peter Weir (1989) est un film qui nous a certainement marqués, mon groupe d’amis et moi, à l’adolescence. Je crois encore, peut-être même un peu naïvement, à cette médiation du sens et de l’amitié par le questionnement critique et l’art. Aussi naïve que soit l’idée de remplir chaque instant d’une vie pleine et entière, elle reste un horizon qui permet d’échapper à la mécanique dans laquelle nous transformons souvent nos relations humaines.
Si vous étiez un plat ?
Il y a mille façons de cuisiner la morue, disent les Portugais. L’une d’entre elles me conviendra. Si possible, partagée autour de la table avec les amis et la famille, dans la joie d’un toast. Quand l’amitié se partage autour de la table, le plat est un sacrement. Et, dans ce cas, même une boîte de thon peut faire un festin.
Si vous étiez une ville ?
Il n’est pas nécessaire de voyager beaucoup pour se considérer comme un citoyen du monde, comme Socrate, mais il est vrai que j’ai déjà vécu dans suffisamment de villes que j’ai appelées maison et où j’ai laissé des amis qui sont de la famille. Lorsque je me demande à quelle terre je m’identifie le plus, comment choisir entre le petit coin de Portugal où j’ai grandi et les terres chaudes avec des amis chaleureux qui m’ont accueilli en Tanzanie et au Kenya, ou encore les paysages verdoyants de la Belgique et du nord de la France. J’appellerai chez moi le pays où l’on trouve de l’amitié. Et peut-être que la mienne sera encore celle où je construirai un jour un balcon face au coucher du soleil au sommet de la colline. Il faut rêver.
Si vous étiez une valeur ?
L’humilité est peut-être la valeur que j’apprécie le plus. J’aime l’idée que le mot « humilité » ait la même racine étymologique que le mot « humus ». L’humilité est cette attitude du sol, de l’humus, de la terre. C’est la capacité d’assumer la terre que je suis, ce dont je suis constitué, sans superlatif ni diminutif. C’est assumer une certaine nudité qui dit toute la vérité de ce que je suis, sans masque. Le poète Fernando Pessoa le disait bien : « Pour être grand, sois entier ». Lorsque l’Évangile annonce que les humbles hériteront la terre, il nous dit qu’il suffit à chacun de la simplicité de ce qu’il est. Ceux qui connaissent leur humus, leur terre, en recevront l’intégralité en héritage. Ceux qui veulent présenter un masque sont éternellement à la recherche d’une utopie d’eux-mêmes.
Si vous étiez un moment, une date ?
Si je ne réponds pas le jour de mon mariage ou la naissance de mes enfants, pourrai-je encore rentrer chez moi ? En fait, le moment qui me définit peut-être le mieux est celui où, à l’âge de 22 ans, j’ai pris l’avion qui m’a emmené vivre en Tanzanie puis au Kenya pendant quatre ans. C’est ce moment qui a ouvert mes horizons, diluant peu à peu mes craintes de rencontrer quelque chose de différent et de comprendre un monde qui peut être interprété à partir de multiples perspectives. L’histoire du monde s’est transformé à ce moment-là. C’était un petit pas pour l’humanité, mais un pas de géant pour moi.
Et pour finir, un mot pour décrire la Faculté de théologie?
J’aime penser à la faculté de théologie de Lille comme à un laboratoire de sens au sein des transitions sociétales. Une petite faculté de théologie au cœur de la plus grande des universités catholiques françaises. Un grain de moutarde qui accomplira peut-être sa mission si elle est capable de se mettre au service de cet univers plus vaste, comme quelques grains de sel pour donner du goût. J’aime beaucoup cette devise non écrite que la faculté a adoptée et qui résume bien sa mission : « Donner sens à la vie. Donner vie au sens ».